Il y a quelque chose qui cloche là-dedans

Le retour à la « normalité », au fonctionnement comme avant du système, n’est pas au rendez-vous. Mais la question est occultée, car elle imposerait des remises en question auxquelles nos édiles ne sont pas prêts de succomber. Comme s’ils étaient prisonniers de leur conservatisme et de ce qu’ils supposent être leur intérêt.

Pourtant, il leur arrive parfois d’en convenir, mais c’est pour décrire des phénomènes mystérieux pour le commun des mortels du type « les mécanismes de la transmission monétaire sont cassés ». Les gouverneurs de la BCE sont champions à ce jeu-là, utilisant cette formulation pour constater que leurs injections de liquidités à très bas prix ne favorisent pas le crédit bancaire et la relance économique, mais qu’elles alimentent la spéculation financière, à la recherche de meilleurs rendements.
Sous sa forme la plus crue, on a en réalité affaire à une allocation des capitaux des plus débridées, la véritable dynamique d’un marché censé garantir la meilleure.

Les recettes les plus éprouvées ne donnent plus les résultats attendus. L’emploi s’est grandement amélioré tel qu’il est mesuré, mais l’inflation ne repart pas. Nos édiles sont déconcertés, habitués à manier des formules simples et ne prenant pas en compte la qualité de l’emploi. Son amélioration est quantitative, mais pas qualitative, voilà tout ! Il faut prendre en compte l’accroissement de la précarité qui résulte de la remise en cause des droits sociaux et du travail, ainsi que d’une forte incitation à épargner – et non pas à consommer – dans notre société anxiogène où il n’y a pas de lisibilité sur le futur.

Un phénomène totalement inédit le traduit spectaculairement. À la recherche des refuges pour leurs capitaux, les investisseurs acquièrent massivement des obligations en leur imprimant un taux négatif. Illustrant un monde à l’envers où les prêteurs doivent payer aux emprunteurs… Reconnaissons-le, un sérieux paradoxe alors qu’un désendettement prioritaire est assigné comme objectif ! Il faut que les risques soient considérés comme étant très élevés, sans être identifiés, pour que le phénomène soit aussi massif. En mars dernier, le stock mondial de la dette à taux négatif était estimé à 9.300 milliards de dollars, donnant une idée du montant du salaire de la peur.

Le plus troublant est que nos édiles continuent de se chamailler autour de leurs petites affaires, tentant assez misérablement de s’en dépêtrer et exprimant leur profonde incapacité à se mesurer à la nouvelle donne. Un nouveau G20 va se tenir, mais il va être l’expression – obtenue d’arrache-pied, à n’en pas douter – d’une unanimité de façade destinée à faire croire que ses participants agissent de concert. En réalité, ils sont dépassés par les évènements et s’en remettent à la magie des banques centrales et de leurs outils monétaires, qui les ont déjà une fois tirés d’affaire. Une fuite en avant, si l’on constate que ceux-ci ne prodiguent pas que du bien, contribuant au développement d’une sphère financière en pleine expansion ayant comme répondant une économie réelle à tendance récessive, pour le coup un facteur majeur d’instabilité.

5 réponses sur “Il y a quelque chose qui cloche là-dedans”

  1. Voilà qui est bien dit, je transmets le message à mes « amis » sympathisants du système capitaliste, dont je me demande s’ils sont naïfs, stupides, ou simplement cupides, peut-être tout cela en même temps à des degrés divers selon les spécimens.

  2. Et comment sortir du merdier actuel? Des stratégies agressives et durablement récessives et régressives de désendettement? Je ne vois que cela comme alternative aux taux négatifs.

    1. Je trouve que l’article que vous avez cité (sur les moutons enragés) est un peu trop alarmiste. Je trouve cela exagéré de parler de peur. Le système financier actuel ne me semble pas exactement vivre dans la peur, mais plutôt dans une bulle: on récupère de l’argent gratos d’un côté et on l’investit en anticipant des pertes de l’autre, tout en se disant que c’est comme cela qu’on fait arriver à mettre de l’huile dans les rouages de l’économie.

      Voir de la peur dans cela? Non. Y voir une forme de foi? Oui.

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